Première chose à faire : rassemblez tous vos souvenirs de gamer des années 90 concernant un certain "jeu vidéo du siècle" de Bullfrog et carrez-les vous là où le soleil ne brille pas, car nous allons aborder tout autre chose dans ce test du Dungeon Keeper F2P pour iPad sorti récemment par EA... On va dériver sur le genre en général. Autant vous dire qu'on ne va pas beaucoup parler jeu vidéo.
Je crois que tout le monde connait Farmville ? Ou encore Clash of Clans, le fameux "phénomène" sur mobiles ? Dungeon Keeper reprend ce genre de mécaniques de gestion basées sur un tas de petits chronomètres qui dictent votre rythme de jeu : revenez dans cinq minutes, ceci demandera quelques heures, cela vous coûtera une journée, etc. Patientez, connectez-vous, vérifiez, optimisez... Ne ratez pas un rendez-vous ! Ou alors, dépensez de la thune pour ne plus attendre. Il n'y a pas de limite, si vous voulez payer 100 euros pour plus de 10.000 gemmes, vous devriez très rapidement débloquer de nombreux éléments pour votre donjon : des salles, des monstres, des pièges, des améliorations. Vous pourrez même creuser votre terrain comme bon vous semble.
Sous le fric, un jeu
Faire progresser votre antre vous permet d'attaquer ou de défendre avec plus d'efficacité dans un petit jeu de Tower defence assez classique. Avec un temps limité, il faut étudier la composition du donjon adverse (construit par un joueur ou scénarisé dans la campagne) et balancer les bons monstres aux bons endroits pour écraser au mieux l'opposition et faire un maximum de dégâts. La destruction du coeur est une priorité, mais si vous pétez tout à côté, c'est encore mieux. D'ailleurs, si vous prenez des salles, vous gagnerez de nouveaux points d'apparition pour vos sbires, ce qui permet des stratégies de réserve. En défense, on imagine facilement faire un grand détour aux monstres ennemis avec un couloir périphérique indestructible. Ça devrait prendre 1 an à creuser et consolider.
Demain à 12h15 ça vous va ?
Bref, Dungeon Keeper pourrait être un petit spinoff Tower Defence de la licence... s'il n'était pas enrobé dans ce modèle F2P que je hais particulièrement : celui qui vous demande d'organiser votre temps de jeu comme le planning d'un marketeux cocaïnomane. Quand je joue, je joue. Je ne joue pas deux minutes pour revenir cinq minutes plus tard. J'accepte les compteurs si on me laisse faire autre chose en attendant, et je n'aime pas beaucoup qu'on en colle partout en espérant que je craque à un moment ou à un autre pour accélérer le processus en utilisant des gemmes (ou alors on peut craquer autrement et vivre le jeu 24h/24h). Ah ça, on vous demande tellement poliment et ingénument si vous voulez passer à la boutique ! Non, non, non. Je ne peux pas jouer avant demain, alors ? Eh bien, je ne reviendrai pas. J'ai un milliard de titres plus funs, mieux faits, moins chers.
Ça ou les mots croisés...
Heureusement, tous les F2P ne sont pas comme ça. Il y a en a des plus subtils, des plus intelligents, des plus honnêtes, des qui offrent un vrai jeu en échange de leurs micro-transactions... Quand je collais des pièces dans les bornes d'arcades pour une partie de Golden Axe de plus, au moins je m'amusais, et pourtant c'était du Pay to Win. Voir du Pay to Lose à partir d'un certain niveau. Ce nouveau Dungeon Keeper n'est qu'un passe-temps (onéreux en argent ou en temps), comme Farmville ou Clash of Clans. Un hobby vaguement plus interactif et stratégique que de tirer le bras d'une machine à sous, et qui rapporte largement moins. Pourquoi avoir utilisé une licence de gamer pour ce genre de produit alors que je vois mal un quelconque vrai joueur nostalgique apprécier ce nouveau titre ? Le public de ces Apps se moque de la licence Dungeon Keeper, non ? Seront-ils vraiment impressionnés par la communication autour de ce nom ? Ça valait vraiment le coup de violer nos mémoires ?
Métaphore de la vie
Bravo EA, vous pouvez offrir un bonus aux économistes qui ont pondu ce nouveau Dungeon Keeper, bien que le système soit déjà assez rodé par d'autres. Ils l'ont plutôt bien maîtrisé. Vous avez des trackers, des psychologues ? Combien de gens bossent sur les réglages entre la frustration et l'ergonomie de la boutique ? Ça doit être fascinant. Personnellement, je ne sais pas trop comment noter votre truc. C'est bien fait, mais ce n'est pas un jeu vidéo pour moi. Objectivement, je devrais lui mettre la moyenne, je suppose : ça manque de variété et de pièges, et la boutique est vraiment trop agressive. Que faire ? Je ne suis même pas vraiment fâché, c'est tellement classique, ce genre de traitement pour les choses avec lesquelles on a vieilli : le bar qu'on fréquentait et qui a changé de proprio ; la série qui s'adapte à un nouveau public ; un quartier qui devient branché ; une maison d'enfance vendue.
On sait bien que vous vous contrefoutez de notre nostalgie chez EA, et pas question de pleurnicher. Vous savez quoi, vous avez raison. Cette licence appartient au passé. Gardez votre Dungeon Keeper F2P Tower defence moderne, j'ai financé des projets plus intéressants. S'ils ne répondent pas à mes attentes, j'irai voir ailleurs. C'est la vie, faut aller de l'avant et chercher son bonheur là où il se trouve. Même chez EA pour d'autres titres qui me correspondent, pourquoi pas ? Pas de haine, pas d'amertume, pas de rancune.